Sangha de la forêt
Tradition bouddhiste Theravada d'Ajahn Chah


Ajahn Mun

Ajahn Mun Bhuridatta est né en 1870 à Baan Kham Bong, village de cultivateurs dans la province d’Ubon Ratchatani, au nord-est de la Thaïlande. Il a été ordonné moine bouddhiste en 1893 et a passé le reste de sa vie à voyager à pied à travers la Thaïlande, la Birmanie et le Laos, vivant la plupart du temps dans la forêt et pratiquant la méditation.

Il a attiré de nombreux disciples et, avec son maître Phra Ajahn Sao Kantasilo, il est à l’origine du rétablissement de la Tradition de la Forêt et de son mode de vie ascétique dans toute la Thaïlande et de nombreux pays au-delà de ses frontières. Il s’éteignit en 1949 au monastère Wat Suddhavasa dans la province de Sakon Nakhorn.

On a beaucoup écrit sur la vie d’Ajahn Mun mais très peu de ses enseignements ont été enregistrés au cours de sa vie. Ils ont plutôt été démontrés en la personne de ses grands disciples devenus maîtres à leur tour comme Ajahn Tate, Ajahn Lee, Ajahn Chah ou Ajahn Mahah Boowa, tous profondément marqués par leur vie et leur pratique de la méditation sous sa direction.

« Un Cœur Libéré » (Muttodaya) est une série d’enseignements d’Ajahn Mun recueillis pendant les années 1944 et 1945 par deux moines qui étudiaient auprès de lui. Un troisième moine, responsable ecclésiastique qui lui rendait souvent visite, s’est plus tard chargé de les publier.


Articles

Un cœur libéré - I

Partie 1 : C’est la pratique qui maintient la pureté du Dhamma.

Le Bouddha a dit de son enseignement [le Dhamma] que, s’il est placé dans le cœur d’une personne ordinaire, il sera inévitablement entièrement corrompu (saddhamma-patirupa). Par contre, s’il est placé dans le cœur d’un Etre Noble, il sera inévitablement pur et authentique, il ne pourra plus ni être effacé ni être obscurci.

Par conséquent, tant que nous nous contentons de passer notre temps à étudier la théorie du Dhamma, il ne peut pas nous être utile. Ce n’est que lorsque nous aurons entraîné notre cœur à éliminer ses parasites, ses corruptions (upakkilesa), que nous en bénéficierons pleinement. Et c’est alors seulement que le Dhamma authentique sera maintenu dans sa pureté, sans aucune distorsion ni déviation par rapport à ses principes originels.

Partie 2 : Pour suivre les traces du Bouddha, nous devons bien nous entraîner avant d’entraîner les autres.

... purisadhamma-sarathi sattha deva-manussanam buddho bhagavati.

Le Bouddha a commencé par s’entraîner et se discipliner au point d’atteindre l’Eveil parfait par lui-même, de devenir buddho – celui qui sait – avant de devenir bhagava – celui qui transmet l’enseignement à ceux qui doivent le recevoir. Ce n’est qu’ensuite qu’il est devenu sattha, c’est-à-dire maître et formateur des êtres, humains et divins, dont le niveau de développement les rend qualifiés pour être entraînés. C’est ainsi que « kalyano kittisaddo abbhuggato » : son excellente réputation s’est étendue aux quatre coins du monde – et jusqu’à ce jour encore.

Il en est allé de même pour tous les Nobles Disciples du passé. Ils s’entraînaient et se disciplinaient bien eux-mêmes avant d’aider le Bouddha à transmettre ses enseignements à un public plus large. C’est ainsi que leur excellente réputation s’est étendue, tout comme celle du Bouddha.

Par contre, si quelqu’un transmet les enseignements sans s’être lui-même bien entraîné auparavant, papako saddo hoti : sa mauvaise réputation s’étendra aux quatre coins du monde parce qu’il n’aura pas suivi l’exemple du Bouddha et de tous les Nobles Disciples du passé.

Partie 3 : L’héritage racine, capital de départ pour l’entraînement.

Pourquoi est-ce que les gens sages commencent toujours par namo [trois prosternations pour rendre hommage au Bouddha] avant de réciter les prières, de recevoir les préceptes ou d’accomplir tout autre acte méritoire ? Pourquoi namo n’est-il jamais oublié ou rejeté ? Nous pouvons en déduire que namo doit avoir un sens profond. Si nous regardons ce mot de près, nous voyons qu’il se compose de na qui signifie l’élément eau, et mo qui signifie l’élément terre. Une ligne des Ecritures nous vient alors à l’esprit :

Mata-petika-sambhavo odana-kummasa-paccayo

ce qui signifie : « Quand les éléments générateurs de la mère et du père se combinent, le corps apparaît. Une fois né des entrailles de la mère, il est nourri de riz et de pain, ce qui lui permet de se développer et de grandir. » Na est l’élément mère et mo l’élément père. Quand ces deux éléments se combinent, l’élément feu de la mère réchauffe le mélange jusqu’à ce qu’il devienne ce que l’on appelle kalata : une gouttelette d’huile. C’est à ce stade que la « conscience connective » (patisandhi-viññana) peut se connecter de sorte que l’esprit se relie à l’élément namo. Une fois l’esprit installé, la gouttelette d’huile se développe jusqu’à être une ambuja, une goutte de sang. Celle-ci évolue à son tour et devient ghana, un bâtonnet et puis pesi, un morceau de chair. Ce dernier se développe et prend une forme ressemblant à un lézard avec cinq extensions : deux bras, deux jambes et une tête.

(Quant aux éléments ba, l’air, et dha, le feu, ils n’entrent en jeu que plus tard parce qu’ils ne sont pas ce à quoi l’esprit s’accroche. Si l’esprit lâche la gouttelette d’huile, celle-ci disparaît ou est rejetée, car devenue inutile. Elle ne contient ni air ni feu, de la même manière que, quand une personne meurt, l’air et la chaleur disparaissent du corps. C’est pourquoi nous disons que ces deux éléments sont secondaires. Les facteurs importants sont les deux éléments originels : na-mo.)

Après la naissance de l’enfant, celui-ci est obligé de dépendre de na, sa mère et de mo, son père, pour prendre soin de lui et l’alimenter. Ils le nourrissent de riz et de pain mais aussi en l’éduquant et en lui enseignant le bien sous toutes ses formes. C’est pourquoi il est dit que la mère et le père sont les premiers et les plus importants des maîtres. L’amour et la bienveillance que la mère et le père portent à leurs enfants est incommensurable, incalculable. Ce qu’ils nous donnent – ce corps – est notre tout premier héritage. L’autre forme de richesse, l’argent et l’or, vient de ce corps. Sans ce corps, nous ne pourrions rien faire, ce qui signifie que nous n’aurions rien du tout. C’est la raison pour laquelle ce corps est la racine de tout l’héritage de nos parents, et c’est pourquoi nous disons que les bienfaits de nos parents sont incommensurables et incalculables. Par conséquent, les sages n’oublient jamais leurs parents, ne les négligent jamais.

Nous devons commencer par prendre un corps, ce namo, et c’est après seulement que nous l’inclinons pour nous prosterner et rendre hommage. Traduire namo par « rendre hommage », c’est traduire uniquement le geste, pas la source de ce geste.

Ce même héritage racine est le capital de départ que nous utilisons pour nous entraîner. Nous n’avons donc aucune raison de nous sentir pauvres ou en manque quand il s’agit des ressources nécessaires à la pratique.

Partie 4 : Le fondement racine pour la pratique.

Quand les deux éléments, na-mo, sont mentionnés seuls, ils ne sont ni adéquats ni complets. Nous devons réarranger les voyelles et les consonnes ainsi : retirer le a du n et l’accoler au m ; retirer le o du m et l’accoler au n ; ensuite mettre le ma devant le no. Nous obtenons ainsi mano, le cœur. Maintenant nous avons le corps associé au cœur et c’est assez pour poser le fondement racine de la pratique. Mano, le cœur, est fondamental, c’est le grand pilier. Tout ce que nous faisons ou disons vient du cœur, comme l’a dit le Bouddha :

Mano-pubbangama dhamma
Mano-settha mano-maya

C’est-à-dire : « Tous les dhamma [phénomènes] sont précédés par le cœur, dominés par le cœur, créés par le cœur. » Le Bouddha a formulé tout le Dhamma-Vinaya à partir de ce pilier : le cœur. Alors, quand ses disciples méditent en accord avec le Dhamma et le Vinaya jusqu’à ce que la nature de namo , le corps, leur soit parfaitement claire, ils trouvent mano au point final de la pensée formulée – autrement dit, mano se trouve au-delà de toute formulation.

Toutes les suppositions viennent du cœur et de l’esprit. Nous portons tous notre propre fardeau sous forme de suppositions et de formulations mentales qui suivent le cours de nos débordements (ogha) jusqu’au point où ils engendrent l’ignorance de la réalité des choses (avvija). Et c’est cette ignorance qui crée les états de devenir et de renaissance. Tout cela parce que nous ne sommes pas assez sages pour comprendre ces choses, parce que nous nous y attachons de manière erronée comme si elles étaient nous ou nôtres.

Partie 5 : La cause racine de tout ce qui est dans l’univers.

Les sept livres de l’Abhidhamma, à l’exception du Patthana, le Livre des Origines, ont une étendue limitée. Par contre, le Patthana est anantanaya, c’est-à-dire illimité dans ce qu’il décrit. Seul un Etre éveillé est capable de le comprendre entièrement. Quand on regarde le texte pāli qui commence par hetu-paccaya, on voit que la cause (hetu), facteur de base originel (paccaya) de tout ce qui existe dans le cosmos, n’est autre que le cœur. Le cœur est la grande cause, ce qui est originel, ce qui est important. En dehors de lui, il n’y a que des conséquences ou des conditions. Les autres facteurs mentionnés dans le Patthana, depuis arammana (le support objectif) jusqu’à aviggata (« pas sans ») ne peuvent servir de facteurs de soutien que parce que la grande cause, le cœur, arrive en premier. Ainsi mano (dont nous avons parlé au point 1), thitibhutam (dont nous parlerons au point 6) et la grande cause dont nous parlons ici, se réfèrent tous à la même chose. Le Bouddha a été en mesure de formuler le Dhamma et le Vinaya, de connaître des choses avec son intuition aux dix pouvoirs, et de comprendre tous les phénomènes connaissables, simplement parce que « la grande cause », le cœur, agissait comme le facteur originel. De ce fait, l’étendue de sa compréhension était illimitée. De la même façon, pour tous les disciples, cette grande cause agissait en tant que facteur originel, et c’est ainsi qu’ils furent en mesure d’avoir la connaissance correspondant aux enseignements du Bouddha. C’est la raison pour laquelle le Vénérable Assaji, le cinquième des cinq ascètes, a donné l’enseignement suivant à Upatissa (le Vénérable Sariputta) :

Ye dhamma hetu-pabhava tesam hetum tathagato
Tesanca yo nirodho ca evam vadi mahasamano

C’est-à-dire : « Tous les dhamma, quels qu’ils soient, apparaissent du fait d’une cause... » Cette grande cause étant le facteur important, le facteur originel, quand le Vénérable Assaji est arrivé à ce point – la grande cause –, comment l’esprit du Vénérable Sariputta aurait-il pu manquer de pénétrer dans le courant du Dhamma puisque, tout dans ce monde, apparaît du fait de la grande cause ? Les dhamma transcendants eux-mêmes sont atteints en passant par la grande cause. Voilà pourquoi il est dit que le Patthana est illimité. Quiconque entraîne le cœur, la grande cause, jusqu’à le rendre clair et éblouissant, est capable de connaître toute chose à l’infini, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Partie 6 : L’instigateur racine du cycle de la mort et de la renaissance.

Thitibhutam avijja-paccaya
Sankhara… upadanam… bhavo… jati…

Chacun d’entre nous, né en tant qu’être humain, a un lieu de naissance ; nous avons des parents et un lieu de naissance. Alors pourquoi le Bouddha a-t-il formulé l’enseignement sur l’enchaînement des causes et des conditions en se basant seulement sur le facteur de l’inattention ? Il n’a pas dit d’où venait ce facteur de l’inattention.

Il faut bien que l’inattention ait elle-même une mère et un père, tout comme nous ; or nous apprenons, par la citation ci-dessus, que thitibutham est sa mère et son père. Thitibhutam se réfère à l’esprit originel. Quand l’esprit originel est imprégné d’ignorance quant à la réalité des choses, apparaît le facteur qui soutiendra l’enchaînement et conditionnera tout le reste : l’inattention. Une fois l’inattention apparue, elle « nourrit » l’apparition des sankhara – les fabrications mentales –, en même temps que l’attachement à ces mêmes sankhara, ce qui engendre des états de devenir et de naissance. En d’autres termes, ces facteurs devront continuer à apparaître et à s’enchaîner sans cesse. On les appelle des « conditions soutiens » parce qu’elles se conditionnent et se soutiennent mutuellement.

L’attention et l’inattention naissent toutes deux de thitibhutam, l’esprit originel. Quand thitibhutam est imprégné d’inattention, il n’a aucune sagesse, il ne voit pas ce conditionnement perpétuel. Par contre, quand il est imprégné d’attention, il a conscience de ces conditionnements et sait ce qu’ils sont. Voilà comment on voit les choses quand on les considère avec une claire vision pénétrante qui mène à l’émergence de la Vérité (vutthana-gamini vipassana).

Pour nous résumer : Thitibhutam est l’instigateur originel du cycle de la mort et de la renaissance. C’est pourquoi on l’appelle « la source des trois » (voir partie 12). Si nous voulons interrompre la succession des morts et des renaissances pour casser la chaîne et faire tout disparaître, nous devons entraîner l’instigateur originel pour qu’il développe l’attention et devienne clairement conscient de tous les phénomènes conditionnants. Il sera alors guéri de son ignorance et n’engendrera plus jamais de facteurs conditionnants. Thitibhutam, l’instigateur originel, cessera de tourner en rond et ce sera la fin de notre errance au long du cycle de la mort et de la renaissance.

Partie 7 : La position suprême : le fondement d’accès à la Voie, aux fruits et au nibbāna.

Aggam thanam manussesu maggam satta-visuddhiya

« La position suprême se trouve parmi les êtres humains : c’est la voie de la purification des êtres vivants. » Ce qui peut s’expliquer ainsi : de nos parents, nous avons reçu en héritage namo, ce corps qui a pris une naissance humaine, la plus haute naissance qui soit. Nous sommes des êtres placés dans une position suprême car nous jouissons des trésors de la pensée, de la parole et de l’action. Si nous voulons amasser des trésors externes comme la richesse matérielle, l’argent et l’or, nous le pouvons. Si nous voulons amasser des trésors internes comme les qualités extraordinaires de la Voie, ses fruits et le nibbāna, nous le pouvons aussi. Le Bouddha a formulé le Dhamma et le Vinaya pour nous, êtres humains et non pour les vaches, les chevaux ou les éléphants. Nous, êtres humains, sommes une espèce capable de pratiquer et de s’entraîner pour atteindre la pureté. Nous ne devrions donc pas nous décourager ou nous rabaisser en pensant que nous manquons de valeur ou de potentiel car, en tant qu’êtres humains, nous sommes « capables » : si une chose nous manque, nous pouvons nous la procurer ; si nous avons déjà quelque chose, nous pouvons encore l’améliorer. Comme l’expriment ces lignes du Vessantara Jataka :

Danam deti, silam rakkhati, bhavanam bhavetva, ekacco saggam gacchati,

ekacco mokkham gacchati, nissansayam.

« Ayant travaillé à accumuler de la sagesse en étant charitables, en observant les préceptes et en développant leur esprit selon les enseignements du Bouddha, ceux qui ne travaillent qu’un peu devront aller au paradis, tandis que ceux qui sont déterminés à vraiment faire ce qu’il y a à faire – aidés aussi du potentiel et des perfections qu’ils auront pu développer dans le passé – atteindront le nibbāna sans le moindre doute. »

On ne dit pas des animaux ordinaires qu’ils sont suprêmes parce qu’ils n’ont pas la possibilité d’agir comme les êtres humains. C’est pourquoi il est dit, à juste titre, que les êtres humains sont bien placés, qu’ils sont dans une position suprême, capables d’avancer vers la Voie, ses fruits et le pur nibbāna.

Source : Traduction de Jeanne Schut disponible sur dhammadelaforet.org

Un cœur libéré - II

Partie 8 : Le bastion de la pratique pour travailler sur soi.

Dans quels enseignements le Bouddha nous a-t-il donné un bastion pour pratiquer ? Quand on se pose cette question, on constate qu’il nous a donné ce bastion dans ce que l’on appelle « les grands bases de référence » ou « les fondements de l’attention », le Satipatthana Sutta.

Comparons cela aux affaires du monde : dans une bataille armée où l’on veut remporter la victoire, il est nécessaire de trouver un bastion, une place forte. Si on trouve un tel lieu, on peut repousser avec succès les armées adverses mais aussi accumuler une grande puissance pour lancer une attaque et causer la défaite des ennemis. Un tel lieu s’appelle « un bastion » parce qu’il est bien barricadé et qu’il comporte des remparts, des portails et des douves.

Il en va de même pour les affaires du Dhamma quand nous nous établissons dans « les fondements de l’attention » comme dans un bastion. Ceux qui se battent contre l’ennemi (les souillures de l’esprit) doivent commencer par être pleinement conscients de leur corps en tant que fondement de l’attention. En effet, quand des passions apparaissent, elles perturbent à la fois le corps et l’esprit. Du fait que la vue d’un corps risque de perturber l’esprit, on peut en conclure que le corps est une provocation, et c’est donc le corps que l’on doit examiner pour dépasser les obstacles (nivarana) et apaiser l’esprit.

Il s’agit là d’un élément que vous devez travailler et approfondir au maximum de vos possibilités. En d’autres termes, continuez à étudier le corps sans répit, sans relâche. Quand une image (uggaha nimitta) de n’importe quelle partie du corps vous apparaît en méditation, prenez cette partie du corps comme base de contemplation dans votre méditation. A partir de là, il n’est plus nécessaire d’aller observer les autres parties du corps. Il n’est pas du tout conseillé de se dire : « J’ai déjà vu cette partie et pas les autres, donc je vais aller étudier les autres. » Même si vous observez le corps jusqu’à l’avoir décomposé dans ses moindres parties et ses éléments (dhatu) terre, eau, feu et air (selon la technique de patibhaga), il faudra encore continuer à contempler le corps à partir de l’image qui vous est apparue au départ jusqu’à ce que vous l’ayez complètement maîtrisée. Pour la maîtriser, vous devez contempler cette partie encore et encore, sans vous lasser. C’est comme quand on apprend les textes à psalmodier. Si on mémorise un certain texte et que l’on n’y revient pas pour le réciter ou le réviser, on l’oublie et l’effort n’aura servi à rien du fait de l’autosatisfaction et l’insuffisance de pratique. Il en va de même dans le travail de contemplation du corps. Une fois qu’une image de n’importe quelle partie du corps vous apparaît, si vous ne l’étudiez pas en profondeur de manière répétée et que vous la laissez passer négligemment, cela n’aura servi strictement à rien.

L’investigation du corps est souvent évoquée dans les textes et notamment dans la cérémonie d’ordination telle que nous la pratiquons aujourd’hui. Avant toute chose, le précepteur doit recommander au nouveau moine les cinq objets de méditation que sont les cheveux, les poils, les ongles, les dents et la peau — autrement dit, le corps — du fait de leur importance. Dans un Commentaire du Dhammapada, il est dit qu’un précepteur sans sagesse qui n’enseigne pas l’investigation du corps peut détruire les chances d’Eveil de son élève. C’est pourquoi, de nos jours, le précepteur doit commencer par enseigner les cinq thèmes de méditation.

Dans un autre discours, le Bouddha a déclaré qu’il n’existe pas de Bouddha ou d’Arahant qui n’ait concentré profondément son attention en méditation sur au moins une partie du corps. Il a dit à un groupe de cinq cents moines qui discutaient de la couleur de la terre dans tel ou tel village, qu’ils parlaient là de la terre extérieure alors qu’ils devraient approfondir la terre intérieure. Autrement dit, ils auraient dû étudier ce corps intelligemment, le voir de fond en comble jusqu’à ce qu’il leur apparaisse dans la clarté de sa vérité. Quand le Bouddha cessa de parler, les cinq cents moines atteignirent l’Eveil suprême.

Nous pouvons en conclure que l’investigation du corps est certainement très importante. Toute personne qui trouvera la libération de toute forme de souffrance doit méditer sur le corps. Si nous voulons accumuler une grande force, nous devons l’accumuler en étudiant le corps. Le Bouddha lui-même, juste avant son Eveil, a commencé à méditer en observant sa respiration — et qu’est-ce que la respiration sinon le corps ?

Les « fondements de l’attention », en commençant par l’investigation du corps, sont donc notre bastion. Une fois ce bastion renforcé, c’est-à-dire une fois que nous avons pratiqué les fondements de l’attention jusqu’à les avoir parfaitement maîtrisés, nous devons étudier les choses telles qu’elles sont en termes de la nature inhérente de leurs éléments, en utilisant la vision pénétrante ou vipassana, comme nous le verrons plus loin.

Partie 9 : Les stratégies de la vision pénétrante

Techniques pour déraciner les souillures de l’esprit

Il est dans la nature de toutes les bonnes choses de provenir de choses qui ne sont pas bonnes. Voyez les fleurs de lotus, si belles et si fraîches ! Elles naissent dans une boue sale et répugnante mais, une fois qu’elles s’élèvent au-dessus d’elle, elles sont propres et pures et on peut en orner la couronne d’un roi car elles ne retourneront jamais plus à la boue dont elles sont issues. En cela, elles sont comme le méditant sérieux, engagé dans l’effort et pratiquant avec persévérance. Une telle personne doit étudier en profondeur une chose qui est sale et répugnante pour que son esprit parvienne à se libérer de tout ce qui est sale et répugnant. La chose qui est sale et répugnante, dans ce cas, c’est le corps. Le corps est un assemblage de saleté, d’urine et d’excréments. Les choses qui sont exsudées par les cheveux, les pores, les ongles, les dents, la peau, etc. sont toutes des formes d’excréments. Quand elles tombent dans une assiette, on s’empresse d’en jeter le contenu car personne ne pourrait les avaler. De plus, le corps doit constamment être lavé et frotté pour être présentable. Si on ne le lave pas, il sent mauvais au point que tout le monde s’en écarte. Les vêtements et autres accessoires, tant qu’ils sont loin du corps, sont propres et attirants mais, dès qu’ils entrent en contact avec le corps, ils se salissent et, si nous ne les lavons pas pendant un certain temps, nous sentirons si mauvais que nul ne voudra nous approcher.

Tout ceci nous permet de constater qu’effectivement le corps est une enveloppe contenant urine et excréments, qu’il est asubha (laid) et patigula (répugnant). C’est déjà vrai quand il est vivant mais, quand la vie le quitte, ce corps est encore plus dégoûtant, pire que tout. C’est pourquoi, dès le départ, tous les méditants sérieux travaillent sur le corps de façon méthodique, jusqu’à ce qu’ils en aient parfaitement compris la nature réelle. Avant que cette clarté ne se fasse, ils doivent investiguer toute partie du corps qui leur convient, en fonction de leur tempérament, jusqu’au moment où un certain aspect du corps leur apparaîtra sous forme de uggaha nimitta (image, vision). A partir de là, ils se concentreront sur cet aspect, y travaillant sans relâche, l’approfondissant sans cesse.

« Y travaillant sans relâche et l’approfondissant sans cesse » doit être compris selon l’image suivante. Quand des fermiers font pousser du riz, ils travaillent la terre, labourent la terre et plantent le riz dans la terre ; l’année suivante, ils font à nouveau pousser le riz dans la terre. Ils ne font pas pousser leur riz dans l’air ou au milieu du ciel, ils le font pousser uniquement dans la terre, après quoi le riz remplit leurs granges tout seul. Quand ils travaillent la terre encore et encore, ils n’ont pas besoin de supplier : « Riz, ô riz, nous te prions de venir remplir nos granges », le riz arrive tout naturellement. Et même s’ils voulaient l’en empêcher : « Riz, ô riz, ne vient pas remplir nos granges », s’ils ont travaillé la terre comme il se doit, il n’y a aucun doute que le riz viendra tout de même remplir leur granges.

De la même manière, en tant que méditants sérieux, nous devons persévérer dans l’investigation de la partie du corps qui nous convient, selon notre tempérament, ou de l’endroit qui nous est apparu en premier. Quoi qu’il advienne, nous ne devons en aucun cas négliger ou abandonner l’étude approfondie de cette partie du corps. Y travailler sans relâche ne signifie pas seulement pendant les temps de méditation assise ou en marchant ; nous devons être attentifs et poursuivre notre investigation à tout moment et en tout lieu. Assis, debout, en marchant, couchés, en mangeant, en buvant, en travaillant, en parlant et en pensant, nous devons toujours avoir une attention globale à l’instant présent. Voilà ce que signifie « y travailler sans relâche ».

Quand vous aurez étudié le corps au point d’en comprendre profondément la véritable nature, vous devrez le diviser en plusieurs parties selon la méthode qui vous plaira. Vous séparerez le corps en fonction des éléments qui le composent — terre, eau, feu et air — en l’examinant encore et encore jusqu’à le voir en ces termes. A ce stade, vous pouvez utiliser toute stratégie qui vous convient mais, en aucun cas vous ne devrez abandonner l’investigation du point de référence d’origine qui vous est apparu au début. Quand vous en êtes à ce stade, vous devez persévérer dans votre investigation, y travailler sans relâche et l’approfondir sans cesse. Il ne s’agit pas de travailler dessus une fois et puis d’abandonner le travail pendant quinze jours ou un mois. Observez sous toutes les coutures, de haut en bas, de bas en haut, l’intérieur et l’extérieur, encore et encore. Autrement dit, tournez-vous vers l’intérieur pour apaiser l’esprit et puis reprenez l’investigation du corps — ne vous limitez pas à apaiser simplement l’esprit ou à procéder uniquement à l’investigation du corps.

Quand vous avez travaillé ainsi et que vous voyez le corps en profondeur tel qu’il est réellement, ce qui se produit ensuite arrive tout seul : l’esprit est conscient d’une profonde convergence — tout semble converger et ne former plus qu’un tout, le monde entier n’est plus qu’un assemblage d’éléments. Au même moment, une image apparaît, montrant le monde aussi plat que le dessus d’un tambour parce que le monde entier a une seule et même nature inhérente. Forêts, montagnes, gens, animaux et vous-même serez tous, au bout du compte, ramenés au même niveau unique. Avec cette vision apparaît la connaissance qui met à jamais fin à tous les doutes du cœur et de l’esprit. C’est ce que l’on appelle yatha-bhuta-nana-dassana-vipassana : la profonde compréhension qui voit et connaît les choses telles qu’elles sont véritablement.

Ce n’est pas le bout du chemin mais le début de l’étape suivante que nous, en tant que méditants sérieux, devons travailler sans relâche et approfondir inlassablement de façon à ce que la claire compréhension des choses soit pleinement maîtrisée et définitive. Nous verrons alors que les fabrications mentales qui imaginent : « Je suis ceci » ou : « Cela est à moi » n’ont pas de réalité stable et que, du fait de l’attachement, elles sont source de souffrance. Nous verrons que tous les éléments sont restés fidèles à eux-mêmes tout au long : ils apparaissent, vieillissent, tombent malades et puis meurent ; ils apparaissent et se détériorent depuis avant notre naissance, ils fonctionnent ainsi depuis des temps immémoriaux. Mais, du fait du conditionnement du corps et de l’esprit — les cinq khandha : rupa, vedana, sañña, sankhara et viññana —, des pensées et des étiquettes ont été attachées à toutes les existences précédentes et jusqu’à celle-ci, à travers d’innombrables vies et l’esprit a cru à tort à ses propres fabrications — ce ne sont pas les fabrications mentales qui se sont attachées à nous. Quand on va au bout des choses, on constate, sans le moindre doute, que tous les phénomènes de ce monde, qu’ils soient ou non dotés de conscience, ont toujours été tels qu’ils sont : ils apparaissent et puis se détériorent de leur propre chef, comme cela.

Alors nous réalisons pubbe ananussu tesu dhammesu, c’est-à-dire que ce schéma de fonctionnement des phénomènes (littéralement « les dhamma ») a toujours été ainsi. Même si personne ne nous le dit, nous savons avec certitude qu’il en est ainsi. C’est pourquoi le Bouddha a maintenu, à ce propos, qu’il ne l’avait appris de personne, ne l’avait entendu dire par personne, car c’est ainsi que les choses ont toujours été depuis avant sa naissance. Nous pouvons en conclure que ce schéma de fonctionnement de tous les éléments doit nécessairement être ainsi. Mais parce que les conditions de l’esprit se sont attachées à toutes ces choses pendant tant de vies, elles fonctionnent selon des suppositions erronées. L’esprit a été noyé sous les tendances latentes (anusaya) au point de croire à tort à leur réalité et ainsi, en s’attachant aux conditions de l’esprit, des états de devenir et des naissances ont été créés.

En progressant de cette manière, le méditant sérieux en vient à analyser les choses à fond jusqu’à en voir la véritable nature et il voit que sabbe sankhara anicca, sabbe sankhara dukkha : tous les actes de fabrication mentale ou « conditions de l’esprit » sont ce qui est impermanent, tandis que le monde des êtres vivants est constant, il est simplement comme il est. Analysez ces points en termes des quatre Nobles Vérités de façon à rectifier les conditions de l’esprit et à voir par vous-même que celles-ci sont impermanentes et source de souffrance. C’est parce que vous n’avez pas constaté par vous-même qu’elles sont impermanentes et source de souffrance que vous vous laissez piéger par les formations mentales. Quand vous le verrez vraiment, cela changera et rectifiera les conditions de votre esprit. Alors vous réaliserez sankhara sassata natthi : aucune formation mentale ne peut durer. Les fabrications mentales ne sont que des conditions de l’esprit, comme les mirages. Quant aux êtres vivants, ils font partie du monde depuis toujours. Alors, quand on voit clairement les deux côtés — que les êtres vivants sont simplement comme ils sont et que les fabrications mentales sont simplement une condition de l’esprit qui les imagine — alors thitibhutam, l’esprit original, qui n’est lié à aucune condition, est libéré.

Quant à l’enseignement selon lequel tous les phénomènes ou schémas de comportement sont dépourvus d’un « soi », comment pourraient-ils être « soi » ? Leur seul tâche consiste à apparaître comme ils le font. C’est pourquoi le Bouddha a dit : « Sabbe dhamma anatta », tous les phénomènes sont dépourvus d’un soi.

En tant que méditants sérieux, nous devons étudier les choses en profondeur pour les voir clairement telles qu’elles sont jusqu’au point où l’esprit converge de lui-même, nous permettant de voir vraiment et de manière vivante par nous-mêmes et, à ce moment-là apparaîtra la connaissance qui accompagne cette vision. C’est ce que signifie vutthana-gamini vipassana (claire vision pénétrante qui mène à l’émergence). Nous devons travailler à ce stade jusqu’à ce qu’il soit parfaitement maîtrisé, jusqu’à ce que nous voyions vraiment et clairement, tout en constatant la pleine convergence de l’esprit et la connaissance qui l’accompagne. Cette convergence va à contre-courant des tendances latentes et les élimine, elle transforme les suppositions en Libération. Il se peut aussi que la convergence se fasse au niveau de l’esprit originel qui est simplement comme il est, jusqu’au point d’absolue clarté accompagnée de khina jati nanam hoti : la certitude qu’il n’y aura plus de renaissance.

Il ne s’agit pas là d’une supposition ni d’une fabrication mentale, pas plus que de quelque chose que l’on peut obtenir par la volonté. C’est quelque chose qui apparaît, qui est et qui sait spontanément.

On a comparé cela à des plants de riz. Quand on nourrit correctement un plant de riz et qu’on s’en occupe, le résultat — les grains de riz — ne sont pas obtenus par la volonté : ils apparaissent d’eux-mêmes. Si une personne veut obtenir du riz mais est paresseuse et ne s’occupe pas de ses plants, elle peut toujours vouloir du riz jusqu’à sa mort, aucun grain de riz n’apparaîtra pour elle. Il en va de même pour la réalisation de la Libération : ce n’est pas quelque chose que l’on peut obtenir par la volonté. Quelqu’un qui désire la Libération mais ne pratique pas correctement ou ne pratique pas du tout et perd son temps dans la paresse jusqu’à son dernier jour, celui-là ne réalisera jamais la Libération.

Partie 10 : L’esprit originel est clair et lumineux par nature mais assombri par les souillures de l’esprit.

Pabhassaramidam bhikkhave cittam tanca kho agantukehi upakkilesehi upakkilittham : « Moines, cet esprit est, à l’origine, clair et lumineux mais, du fait que des souillures et des impuretés passent et l’obscurcissent, il ne montre pas son éclat. »

On a comparé ces paroles du Bouddha au poème suivant :

Un grand arbre a six mille branches :

De gros caméléons l’envahissent chaque jour par centaines

De petits caméléons chaque jour par milliers.

Si le propriétaire n’y fait pas attention

Ils feront venir de plus en plus d’amis chaque jour.

On peut expliquer cette comparaison comme suit : si on enlève les trois zéros aux six mille branches du grand arbre, il reste six, ce qui représente les six portes des sens, la porte d’entrée pour les caméléons, c’est-à-dire les choses « contrefaites », non authentiques. Les souillures de l’esprit ne sont pas authentiques ; ce sont seulement des choses qui entrent par les portes des sens par centaines et par milliers. Et, comme les caméléons, les souillures qui ne sont pas encore apparues vont apparaître, de plus en plus nombreuses chaque jour, tant que nous n’aurons pas trouvé un moyen de rectifier la nature de l’esprit.

L’esprit est plus éclatant que tout ce qui peut exister mais, du fait des contrefaçons — les souillures qui le traversent — il est obscurci, il perd son éclat, tout comme le soleil est obscurci par les nuages. N’allez pas croire que le soleil court derrière les nuages ! Non, ce sont les nuages qui flottent vers lui et l’obscurcissent.

Quand les méditants comprennent les choses de cette manière, ils doivent se libérer des contrefaçons en les analysant avec finesse, comme expliqué dans les stratégies de la vision pénétrante à la Partie 9. Quand ils auront développé l’esprit jusqu’au stade de l’esprit originel, cela signifiera que toutes les contrefaçons auront été détruites ou, plus exactement, que les choses contrefaites ne pourront plus atteindre l’esprit originel parce que le pont qui les reliait aura été détruit. Même s’il arrive encore que l’esprit soit en contact avec les préoccupations du monde, ce contact sera comme celui d’une goutte de rosée glissant sur une feuille de lotus.

Partie 11 : La pratique du méditant doit correspondre à son tempérament

Un jour, un célèbre dresseur de chevaux s’adressa au Bouddha et lui demanda comment il formait ses disciples. Le Bouddha, en retour, demanda à l’homme comment, lui, dressait ses chevaux. L’homme répondit qu’il y a quatre types de chevaux : 1) ceux qui sont faciles à dresser, 2) ceux qui sont moyennement faciles à dresser, 3) ceux qui sont vraiment difficiles à dresser, et 4) ceux qui ne peuvent absolument pas être dressés et qu’il faut tuer. Le Bouddha répliqua : « Il en va de même pour mes disciples. » 1) Ceux qui sont « faciles à dresser », c’est-à-dire ceux dont l’esprit est aisément pacifié, doivent manger suffisamment pour nourrir leur corps. 2) Ceux qui sont moyennement faciles à dresser, c’est-à-dire dont l’esprit a du mal à se pacifier, ne doivent pas être autorisés à manger beaucoup, seulement prendre un peu de nourriture. 3) Ceux qui sont vraiment difficiles à dresser, c’est-à-dire dont l’esprit a vraiment beaucoup de mal à se calmer, ne doivent pas manger du tout et doivent être attanu : ils doivent connaître leur force et les limites de leur endurance. 4) Quant à ceux que l’on ne peut dresser et qu’il faut tuer, c’est-à-dire ceux que l’on appelle padaparama, ceux qui ne peuvent absolument pas calmer leur esprit, le Bouddha leur retire le pont ; autrement dit, il ne leur donne aucun enseignement, ce qui revient à les « tuer ».

Source : Traduction de Jeanne Schut disponible sur dhammadelaforet.org

Un cœur libéré - III

Partie 12 : Le discours sur Mulatika

Tika signifie « trois » et mula veut dire « racine ». Ensemble, ces deux mots signifient « les racines qui vont par trois ». Ainsi avidité, aversion et ignorance forment un trio appelé « les racines de ce qui manque de sagesse ». L’avidité se décompose aussi en trois : désir sensoriel, désir d’exister et désir de ne pas exister. Quant aux souillures et aux poisons de l’esprit (asava), ils vont tous par trois : sensualité, états devenir et manque d’attention. Si une personne se laisse piéger par ce type de trios, alors tiparivattam : elle devra continuer à tourner en trios et ainsi les trois sphères — les sphères de la sensualité, de la forme et du sans-forme — devront continuer à être comme elles sont maintenant car ces trios sont les racines des trois sphères.

Le remède arrive aussi par trois : vertu, concentration et sagesse. Quand les gens pratiquent en accord avec la vertu, la concentration et la sagesse qui sont les remèdes, alors na tiparivattam : ils n’auront plus besoin de continuer à tourner par trois ; les trois sphères n’existeront pas — en d’autres termes, ils seront entièrement libérés des trois sphères.

Partie 13 : Les visuddhi deva sont les seuls individus à être véritablement en paix

Akuppam sabba-dhammesu neyyadhamma pavessanto: santo

« Il faut avoir un esprit qui ne se laisse pas agiter par les parasites mentaux et avoir une profonde connaissance de tous les phénomènes, aussi bien intérieurs qu’extérieurs pour pouvoir être en paix. » Une personne ayant trouvé la paix de cette manière aura une conscience pleinement développée de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, des qualités mentales pures et saines, un esprit calme et une intégrité personnelle dotée des qualités d’un deva (être céleste) comme il est dit dans cette stance :

Hiri-attapa-sampanna sukkadhamma-samahita

Santo sappurisa loke deva-dhammati vuccare.

De par leur naissance, les deva, habitants des royaumes célestes, baignent dans les plaisirs sensoriels et sont agités par les obstacles mentaux. Alors, comment pourraient-ils être en paix ? Cette stance doit donc certainement faire référence aux visuddhi deva (deva par la pureté), autrement dit aux arahants [êtres humains pleinement éveillés]. Ces personnes-là sont véritablement en paix ; on peut dire d’elles qu’elles ont une conscience pleinement développée de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, et qu’elles possèdent les « vertus blanches », c’est-à-dire une authentique pureté.

Partie 14 : La non-activité est le point final du monde, au-delà des suppositions et des formulations

Saccanam caturo pada

khinasava jutimanto te loke parinibbuta.

Les Quatre Nobles Vérités – la souffrance, sa cause, sa cessation et la Voie qui mène à cette cessation – sont des activités, dans le sens que chaque vérité a un aspect qui doit être exécuté : la souffrance doit être comprise, sa cause doit être abandonnée, sa cessation doit être clarifiée et la voie vers la cessation doit être développée. Tout cela, ce sont des choses à faire et, s’il faut les faire, ce sont forcément des activités. Nous en concluons que les Nobles Vérités sont, toutes les quatre, des activités. Ceci correspond bien à la première ligne du verset ci-dessus qui parle des quatre Vérités comme de « pieds » ou de « marches d’escalier » qu’il faut prendre pour achever la tâche. C’est pourquoi ce qui s’ensuit est appelé « non-activité ». C’est comme écrire des nombres 1-2-3-4-5-6-7-8-9-0 et puis effacer de 1 à 9 et laisser seulement le 0 et puis ne plus rien écrire. Quand on lit ce qui reste, on dit : « zéro » mais il n’y a là aucune valeur du tout. On se peut pas s’en servir pour l’ajouter, le soustraire, le multiplier ou le diviser avec un autre nombre et pourtant on ne peut pas dire qu’il n’existe pas parce qu’il est bien là : 0 – zéro.

C’est comme la sagesse, la connaissance qui permet d’avoir une vision globale des choses parce qu’elle détruit l’activité qui consiste à élaborer des pensées. En d’autres termes, elle efface complètement les pensées : elle ne s’intéresse plus et ne s’attache plus à la moindre pensée. Quand on parle d’« effacer » ou de « détruire » l’activité des pensées, la question suivante se pose : « Quand nous ne penserons plus rien, où nous poserons-nous ? » La réponse est que nous nous poserons en un lieu qui n’est pas « pensé » : juste là, dans la non-activité.

Cette explication répond bien aux aspects de la réalité qui n’apparaissent clairement qu’à ceux qui pratiquent et que ceux qui ne pratiquent pas ne peuvent pas connaître. Ce n’est que lorsque nous écoutons et puis que nous pratiquons en conséquence jusqu’à voir et connaître par nous-mêmes que nous serons en mesure de comprendre.

Le sens de la seconde ligne est : « Ceux qui sont libérés de tous les poisons du mental mettent fin aux trois sphères et sont éblouissants. » Autrement dit, ils ont pratiqué la persévérance et ont étudié les choses en profondeur : bhavito bahulikato. Ce qui signifie qu’ils ont travaillé et ont développé cette investigation à maintes reprises jusqu’au moment où leur esprit a eu la force suffisante pour analyser et détruire toutes les pensées de façon à atteindre la non-activité. Ils réussissent ainsi à être libérés des trois sphères.

En mettant fin aux trois sphères, les arahants ne s’envolent pas dans des royaumes de sensualité, que ce soit avec ou sans forme. Ils restent exactement là où ils sont. C’est ce qui est arrivé au Bouddha : quand il a mis fin aux trois sphères, il était assis à un endroit précis, sous l’arbre de la Bodhi. Il ne s’est pas envolé dans les trois sphères. Il y a mis fin au niveau de l’esprit car c’est là, dans l’esprit, que les trois sphères existent.

Ceux qui ont pour but de mettre fin aux trois sphères doivent donc le faire dans leur propre cœur et dans leur esprit. C’est alors seulement qu’ils aboliront toute activité du cœur et de l’esprit pour ne laisser place qu’à la non-activité. C’est le cœur originel, le Dhamma originel, qui est au-delà de la mort.

Partie 15 : Les cinq domaines des êtres vivants.

Les sphères des êtres célestes, le monde des humains et les sphères de souffrance, (apaya), sont classées en tant que sphères des sens : c’est le domaine des êtres vivants qui s’adonnent à la sensualité. Ensemble, ils comptent pour un. Les sphères de la forme, domaine des êtres vivants qui ont atteint rupa jhana, sont au nombre de quatre. Les sphères du sans-forme, domaine des êtres vivants qui ont atteint arupa jhana, sont également au nombre de quatre. En tout, il y a donc neuf domaines pour les êtres vivants. Ceux – les arahants – qui ont la pleine connaissance des neuf domaines, les quittent ; ils ne sont obligés de vivre dans aucun d’eux. Ceci apparaît dans la dernière des Questions du Novice (samanera-panha) : dasa nama kim – qu’est-ce qui est dix ? Réponse : dasahangehi samannagato arahati vuccati ti – l’arahant, celui qui est doté des dix vertus, est libre des neuf domaines d’existence des êtres vivants.

On peut comparer cela aux nombres 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10. De 1 à 9, il s’agit de nombres que l’on peut compter, nommer, additionner, soustraire, multiplier et diviser. Quant à 10 – 1 et 0 (zéro) – quand on efface le 1 parce qu’il fait double emploi, il reste 0 (zéro). Si on utilise 0 pour additionner, soustraire, multiplier ou diviser avec n’importe quel autre nombre, cela n’augmentera pas la valeur de ce nombre. Quant au zéro, il n’a, en lui-même, aucune valeur mais on ne peut pas dire qu’il n’existe pas parce qu’il est présent.

Il en va de même pour l’esprit. Les attributs de sa nature sont semblables au 0. Quand 0 est relié à n’importe quel autre nombre, il accroît énormément la valeur de celui-ci. Par exemple si on relie un 0 à 1, cela donne 10. Même chose pour l’esprit : quand on le relie à quoi que ce soit, il se multiplie aussitôt en choses élaborées et fantasques. Par contre, quand il est bien entraîné jusqu’à être sage et avoir pleine connaissance de tous les phénomènes connaissables, il revient à son état originel, le zéro : vide, ouvert et clair, au-delà de tout calcul et de toute étiquette. Il ne se situe pas dans les neuf endroits qui sont le domaine des êtres vivants mais en un lieu libre de pensées et de formulations. C’est là sa nature inhérente en tant que zéro ou non-activité, comme il a été dit au paragraphe 14.

Partie 16 : Le sens du premier sermon, du sermon du milieu et du sermon final.

Les sermons délivrés par le Bouddha à trois moments de sa vie ont une signification à laquelle les bouddhistes devraient accorder une réflexion et une considération particulières.

A. Quand il a commencé à enseigner, le Bouddha a fait un sermon au cinq ascètes au Parc des Daims, à Isipatana, près de Bénarès. C’était son tout premier sermon et on l’a appelé « le lancement de la roue du Dhamma ». Il a commencé avec les deux extrêmes dans lesquels ne doivent pas tomber ceux qui ont quitté le monde pour chercher la vérité en disant : Dveme bhikkhave anta pabbajitena na sevitabba – « Moines, il y a deux extrêmes que ceux qui ont quitté le monde pour chercher la vérité doivent éviter : se complaire dans les plaisirs des sens et se complaire dans la mortification. » On peut dire que se complaire dans les plaisirs des sens fait pencher la balance du côté de l’amour et se complaire dans la mortification, du côté de la haine. Les deux côtés sont causes de souffrance et de peine. Quand nous pratiquons l’auto-purification et que nous tombons néanmoins dans l’un de ces deux côtés, on ne peut pas dire que nous avons trouvé la voie du milieu. En effet, quand nous persévérons dans nos efforts dans la pratique et que l’esprit commence à s’apaiser et se détendre, nous nous en réjouissons ; quand l’esprit est agité par les pensées et les distractions, nous sommes mécontents. Se réjouir est une forme de complaisance dans le plaisir et être mécontent, une forme de complaisance dans la négativité. Se réjouir est désir, être mécontent est aversion ; et ne pas discerner le désir et l’aversion, c’est être ignorant de ce qui est.

Quiconque s’efforce de développer la persévérance dans la concentration ne peut éviter de se heurter à ces deux extrêmes. Quand cela se produit, nous sommes considérés comme étant dans l’erreur mais il est naturel d’être dans l’erreur avant de pouvoir être dans le juste. Le Bouddha lui-même, avant son Eveil, était dans l’erreur, exactement de la même façon. Ses deux principaux disciples eux-mêmes étaient dans l’erreur et soutenaient, en outre, des doctrines pernicieuses. Tous les autres disciples ont également commencé par être dans l’erreur. Mais quand le Bouddha a trouvé la voie du milieu tandis qu’il méditait à l’ombre de l’arbre de la Bodhi, après avoir obtenu les deux premières connaissances (le souvenir de ses vies antérieures et la vision de la mort et de la renaissance des êtres vivants) dans les deux premiers quarts de la nuit, il a acquis la troisième connaissance (la connaissance de l’extinction des parasites mentaux) dans le quart qui précédait l’aube. C’est alors qu’il a trouvé l’authentique voie du milieu, libérant ainsi son esprit de l’erreur des deux extrêmes. Libéré des clans, des classes sociales, des domaines, des lignées et de l’héritage des conventions et des pensées, il trouva le clan, la classe, le domaine, la lignée et l’héritage des Nobles Etres. Plus tard, les Nobles Disciples apprirent à connaître la même chose en suivant le Bouddha, en agissant correctement en accord avec cette connaissance qui met fin aux obstacles mentaux et obtinrent la libération de l’erreur, tout comme lui.

Quant à nous, méditants, il est normal qu’au début nous tombions dans l’erreur. Tant que nous nous permettrons d’être contents ou mécontents de nos progrès en mérite et en sagesse, nous tomberons sous l’emprise des habitudes du monde (lokadhamma). Et quand nous sommes sous l’emprise des habitudes du monde, nous sommes agités par le plaisir et le mécontentement. C’est ce que l’on appelle être secoué dans tous les sens.

Uppanno kho me : « Où apparaissent les habitudes du monde ? » En nous-mêmes. Les habitudes du monde ont huit facteurs et la voie qui nous en guérit en a également huit. La Voie Octuple est le remède aux huit habitudes du monde. C’est ainsi que le Bouddha a enseigné la voie du milieu comme le remède aux deux extrêmes. Une fois guéris des deux extrêmes, nous entrons sur la Noble Voie, traversons les courants du monde, obligeant l’esprit à cago patinissaggo mutti analayo – lâcher prise, se détendre et se poser en paix.

En résumé : Tant que les deux extrêmes existent encore dans votre cœur et votre esprit, vous n’êtes pas sur la bonne voie. Par contre, quand votre cœur et votre esprit se libèrent des deux extrêmes, vous devenez parfaitement stables : libres des impuretés et à l’abri du courant des pensées et des émotions. C’est la raison pour laquelle la portée de la Roue du Dhamma est très significative. Quand le Bouddha a expliqué la Roue du Dhamma, cela a fait trembler les éléments du monde. Et quand le message est tellement plein de sens, comment auraient-ils pu ne pas trembler ? Les éléments du monde ne sont autres que ce corps que nous avons. Notre corps se compose des éléments du monde et il tremble parce que l’esprit perçoit quelque chose qu’il n’avait jamais vu auparavant. Le fait que l’esprit soit libéré des deux extrêmes est la cause qui amène les éléments du monde à trembler. Ils tremblent parce que l’esprit ne reviendra plus jamais les faire renaître.

B. Au milieu de sa vie d’enseignant, le Bouddha a donné, au Jardin Royal des Bambous, près de Rajagaha, devant une assemblée de 1250 arahants, un discours appelé « l’Exhortation du Patimokkha ». L’un des points importants était : Adhicitte ca ayogo etam buddhana-sasanam : « Elever l’esprit : tel est l’enseignement des Bouddhas. » Pour élever l’esprit, nous devons être calmes et en paix.

Iccha lobha-samapanno samano kim bhavissati : « Quand nous sommes assaillis par le désir – avides, combattifs, et ayant une vision erronée des choses – comment pouvons-nous être calmes et en paix ? » Nous devons pratiquer en suivant la discipline, comme point de départ, et développer notre thème de méditation, en commençant par la méditation assise et en marchant. Nous devons travailler notre contemplation des grands fondements de référence [l’attention au corps et à l’esprit] et la développer encore et encore, en commençant par être très attentifs au corps – il nous sert de fondement de référence. Au début, nous devons contempler les parties du corps en employant parikamma savana, c’est-à-dire la réflexion – cette partie est ainsi, celle-là est ainsi, etc. – parce que, si nous faisons cela avec attention, avec une claire conscience de nous-mêmes, l’esprit ne s’éloigne guère du corps et finit par se calmer facilement. Quand nous pratiquons souvent de cette manière, un uggaha nimitta [image mentale] apparaît. Nous devons ensuite maîtriser cette étape jusqu’à atteindre patibhaga : l’analyse de tous les composants de l’image mentale apparue. Quand nous aurons une parfaite maîtrise de patibhaga, celle-ci se transformera en méditation de la vision pénétrante. Nous développons alors la vision pénétrante jusqu’à son plus haut degré pour que l’esprit atteigne thitibhutam [l’esprit originel], comme nous l’avons vu dans les stratégies de vision pénétrante. Voilà ce que l’on entend par « pratiquer ».

Quand nous avons pratiqué, c’est d’abord mokkham : la traversée et au-delà. C’est à cause des pratiques que nous aurons mené jusqu’à leur terme que nous traverserons et irons au-delà, c’est-à-dire, au-delà du monde. Voilà ce que signifie l’expression : « les dhamma transcendants. » Et puis, c’est khemam : la libération de tous les liens.

Le message de ce sermon du milieu est donc significatif puisqu’il pointe vers la Libération.

C. A la fin de sa vie, quand le Bouddha fut sur le point d’entrer dans le Nibbana ultime, il donna son dernier enseignement au milieu d’un rassemblement de Nobles Disciples dans la forêt de salas, à Kusinara. Il dit : Handadani amantayami vo bhikkhave, pativediyami vo bhikkhave, khaya-vaya-dhamma sankhara, appamadena sampadetha : « Je vous le dis, moines, ne soyez pas négligents. Voyez et méditez sur le fait que tout ce qui est fabriqué apparaît puis disparaît. Quand vous contemplerez les choses ainsi, vous pénètrerez complètement leur vérité. » Ce fut tout ce qu’il dit et il ne prononça plus une parole après cela. C’est pourquoi on l’appelle le dernier sermon.

Expliquons le sens de ces paroles. Que sont les « fabrications » ? Où apparaissent-elles ? Elles apparaissent dans notre esprit. Elles sont une conséquence ou une condition de l’esprit qui donne naissance à toutes les pensées. Ces fabrications sont les coupables qui pensent et formulent tout ce qui peut exister au monde. En réalité, les choses du monde, dans leurs propriétés élémentaires en tant que phénomènes, sont simplement comme elles sont. La terre, les arbres, les montagnes, le ciel et le soleil ne disent pas qu’ils sont quoi que ce soit. Le corps humain, lui-même, qui se compose aussi des éléments du monde, ne dit pas qu’il est ceci ou cela. Ce sont les fabrications mentales qui sont les coupables, qui façonnent ces choses comme étant ceci ou cela. Et nous tombons dans le piège en croyant ce qu’elles nous disent et en étant persuadés que toutes ces choses sont « nous » ou nous appartiennent. Le désir, l’aversion et la vision erronée des choses apparaissent ainsi. Ils sont la cause du fait que l’esprit originel s’égare et court après la naissance, le vieillissement, la maladie et la mort, passant, dans un cycle sans fin, à travers d’innombrables états de devenir et de naissance. Et tout cela à l’instigation des fabrications mentales.

Voilà pourquoi le Bouddha nous a appris à contempler les fabrications mentales comme étant impermanentes et source de souffrance : sabba sankhara anicca, sabbe sankhara dukka.

Nous fonctionnons ainsi jusqu’à ce que nous voyions, avec une pleine et claire compréhension – laquelle est le fruit de la pratique de patibhaga – le moment où l’esprit entre en bhavanga [paix sans attache], son état sous-jacent. Quand le courant du bhavanga disparaît, une compréhension authentiquement intuitive apparaîtra au niveau du cœur : « C’est exactement ainsi que sont les choses : impermanentes et source de souffrance. » Quand nous maîtriserons cela et que nous le verrons clairement et distinctement, nous aurons la connaissance des fabrications mentales. Dès lors, les fabrications mentales ne pourront plus jamais modeler l’esprit, ni l’agiter, comme il est dit dans la phrase : akuppam sabba-dhammesu neyyadhamma pavessanto : santo. Ce qui signifie : « Quand les fabrications mentales ne façonnent plus l’esprit, l’esprit ne s’agite plus. Il a la connaissance de tous les dhamma connaissables et ainsi, calme et en paix, il atteint la Libération. »

Les mots de ce dernier sermon sont vraiment plein de sens. Ils peuvent permettre à qui les contemple de s’éveiller jusqu’au plus haut niveau d’Eveil. C’est la raison pour laquelle le Bouddha ne dit plus rien après cela.

Les enseignements donnés par le Bouddha en ces trois moments de sa vie ont une signification qui va au-dessus et au-delà de tout ce qu’il a jamais dit. Le premier pointe vers la Libération, celui du milieu pointe vers la Libération et le dernier pointe vers la Libération. Ainsi les trois sans exception ne visent qu’une seule chose : la Libération.

Partie 17 : Tous les arahants atteignent à la fois la Libération par la concentration et la Libération par la sagesse, ayant développé l’entraînement en trois points jusqu’au bout.

Anasavam cet-vimuttim panna-vimuttim

dittheva dhamme sayam abhinna sacchikatva

upasampajja viharanti

« Ils demeurent libres de tous les poisons mentaux, ayant trouvé la Libération par la concentration et par la sagesse, et cette Libération a été réalisée et vérifiée par eux-mêmes au moment présent. »

Ce passage du Canon pāli montre que tous les arahants se libèrent tant par la concentration que par la sagesse, libérés de tous les obstacles mentaux dans le moment présent. Il n’y a pas de distinction entre tel groupe qui atteindrait l’Eveil seulement par la concentration et tel autre seulement par la sagesse. L’explication donnée par les Commentateurs – selon laquelle la Libération par la concentration est propre aux arahants qui commencent par développer la concentration avant d’aborder la vision pénétrante, tandis que la Libération par la sagesse est propre aux arahants qui travaillent uniquement sur la vision pénétrante sans passer par la concentration – est contraire à la voie de l’Octuple Sentier puisque celui-ci inclut aussi bien la Vision Juste que la Concentration Juste. Celui qui veut atteindre la Libération doit avoir parcouru toutes les étapes du Sentier, sinon il n’y parviendra pas. L’entraînement en trois points inclut aussi bien la concentration que la sagesse de la vision pénétrante. Celui qui veut connaître l’extinction des obstacles mentaux doit développer au maximum toutes les trois parties de cet entraînement.

C’est pourquoi nous disons que tous les arahants doivent atteindre aussi bien la Libération par la concentration que la Libération par la sagesse.

Source : Traduction de Jeanne Schut disponible sur dhammadelaforet.org